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Intelligence Artificielle et marché du travail des Jeunes en Afrique, un potentiel à explorer

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Par Joël Mebada, Ph.D

L’intelligence artificielle (IA) offre diverses opportunités pour le marché du travail en Afrique. L’IA a progressé de manière significative, transformant notre monde et redéfinissant les dynamiques du marché du travail (Azaroual, 2024). Cependant, son développement s’accompagne de craintes et de défis, notamment en ce qui concerne l’employabilité des jeunes. L’adoption de l’IA s’accompagne de défis importants, notamment en termes d’infrastructures, d’accès aux compétences et d’inégalités socio-économiques. Des politiques publiques adaptées, incluant la formation aux nouvelles technologies et l’accès équitable aux outils numériques, sont nécessaires pour assurer une transition inclusive vers une économie de l’IA (Acemoglu et Johnson, 2023 ; Revolution Entrepreneurial, 2023).

L’évolution du marché du travail dans certains pays africains révèle des dynamiques sectorielles contrastées. L’analyse des tendances montre une transition progressive vers les services, une industrialisation encore limitée et une réduction de la part de l’agriculture dans l’emploi total. Cette transformation économique s’accompagne de défis majeurs liés à la qualité des emplois et à la structuration des différents secteurs. L’Afrique ne peut cependant pas faire l’économie d’une intervention de ce domaine, du fait des incertitudes que comporte le futur. En premier lieu, une réduction annoncée de l’aide au développement avec l’arrivée de la nouvelle administration aux États-Unis, mais également dans le but d’offrir des opportunités à sa jeunesse et limiter leurs départs vers les chemins de l’immigration clandestine.

  1. Une transition progressive du secteur agricole vers les services

L’observation du marché du travail au Cameroun, au Sénégal, et en Côte d’Ivoire révèle des dynamiques sectorielles contrastées. L’analyse des tendances montre une transition progressive vers les services, une industrialisation encore limitée et une réduction de la part de l’agriculture dans l’emploi total. Cette transformation économique s’accompagne de défis majeurs liés à la qualité des emplois et à la structuration des différents secteurs.

Source : ILO (consulté le 21 février 2025). https://ilostat.ilo.org/data/

Source : ILO (consulté le 21 février 2025). https://ilostat.ilo.org/data/

L’agriculture, longtemps pilier du marché du travail en Afrique subsaharienne, connaît un déclin relatif en termes d’emploi. Les données montrent une diminution progressive de la main-d’œuvre dans ce secteur, notamment en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Cette baisse est caractéristique des économies en transition, où l’urbanisation et la diversification économique entraînent une redistribution de la main-d’œuvre vers d’autres secteurs. Toutefois, ce recul ne signifie pas une disparition du secteur agricole, qui reste essentiel pour la sécurité alimentaire et l’exportation. Une modernisation de l’agriculture est nécessaire pour améliorer la productivité et garantir des emplois de meilleure qualité. La mécanisation, l’irrigation et l’accès au financement rural constituent des leviers clés pour maintenir la viabilité du secteur tout en libérant de la main-d’œuvre pour d’autres activités économiques. 

L’agriculture ne pourra toutefois combler les écarts de richesse qui existent entre les pays développés et les pays en développement. Il est de ce fait certain que les inégalités continueront à se renforcer si les économies africaines ne s’ouvrent vers d’autres voies. Cette note stratégique explore les impacts de l’IA sur le marché du travail africain en mettant l’accent sur les jeunes travailleurs.

  1. Un secteur industriel instable et insuffisamment développé

L’industrialisation est généralement perçue comme une étape clé du développement économique. Pourtant, les tendances observées montrent une croissance irrégulière de l’emploi dans l’industrie. Cette situation peut être expliquée par une dépendance aux investissements étrangers et publics, un manque de diversification industrielle et des infrastructures encore limitées. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, des périodes de stagnation ou de baisse de l’emploi industriel ont été suivies par des reprises, traduisant une industrialisation encore fragile. Cette instabilité peut être liée aux fluctuations des politiques industrielles et aux contraintes d’accès aux financements pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Pour favoriser un développement industriel durable, il est nécessaire d’investir dans les infrastructures, de faciliter l’accès aux crédits pour les entreprises locales et de renforcer les compétences techniques de la main-d’œuvre. Une industrialisation mieux structurée permettrait de stabiliser l’emploi et d’accélérer la croissance économique. Il est certain que les difficultés que connaissent de nombreux pays en matière de fourniture d’énergie constituent une composante importante dont les États doivent tenir compte. Le graphique 2 ci-dessous montre que la plupart des emplois en Afrique sont créés dans le secteur public. Un constat qui démontre que les économies africaines doivent faire plus pour tirer parti de l’émergence des intelligences artificielle générative et offrir de meilleures opportunités d’emplois à sa jeunesse.

Source : ILO (consulté le 21 février 2025). https://ilostat.ilo.org/data/

  1. L’essor des services : une dynamique forte mais un emploi souvent précaire

Le secteur des services affiche une croissance constante dans les trois pays sélectionnés pour étude, avec une augmentation du nombre d’emplois année après année. Cette expansion est particulièrement marquée au Sénégal, où l’emploi dans les services dépasse progressivement celui des autres secteurs. Ce phénomène est le reflet d’une transformation économique mondiale, où les économies se tournent davantage vers le commerce, le numérique, le tourisme et les services financiers.

Toutefois, la majorité des emplois créés dans ce secteur relèvent de l’économie informelle, ce qui pose des défis en matière de protection sociale, de stabilité et de conditions de travail. Le commerce de détail, les activités de transport, la restauration et les services à la personne emploient une grande partie de la population, mais avec peu de garanties en termes de salaires et de sécurité sociale. Pour accompagner cette dynamique et améliorer la qualité des emplois, il est essentiel de régulariser certaines activités informelles, de promouvoir l’entrepreneuriat formel et d’adapter la formation professionnelle aux nouvelles opportunités économiques. Enjeux et défis pour le marché du travail

L’analyse des tendances révèle plusieurs défis à relever pour assurer un développement économique équilibré. D’une part, la baisse de l’emploi agricole doit être compensée par une croissance suffisante des emplois industriels et tertiaires. Cela implique une modernisation du secteur agricole et une diversification des industries locales. D’autre part, l’essor des services doit s’accompagner d’une structuration du marché du travail afin de limiter la précarité. L’amélioration de la protection sociale, la formation professionnelle adaptée et la promotion de l’entrepreneuriat formel seront essentielles pour assurer une transition réussie.

Source : ILO (consulté le 21 février 2025). https://ilostat.ilo.org/data/

  1. Opportunités et défis de l’intelligence artificielle (IA) pour les jeunes travailleurs africains

Le développement de l’intelligence artificielle (IA) en Afrique présente des opportunités importantes pour les jeunes travailleurs. L’IA permet d’automatiser certaines tâches et d’améliorer l’efficacité du travail, créant ainsi de nouvelles perspectives d’emploi, notamment dans les secteurs du numérique, de l’entrepreneuriat technologique et des services en ligne (Briggs et Kodnani, 2023; Acemoglu et Johnson, 2023). De plus, l’essor des plateformes de travail numérique et du freelancing offre aux jeunes Africains des opportunités inédites d’intégration dans l’économie mondiale (Garcia et Kelly, 2020; Berg, Papageorgiou et Vaziri, 2023). L’Afrique a de tout temps bénéficier des avancées technologiques des autres continents, et en appliquant ce que d’autres ont développé. 

Toutefois, ces opportunités s’accompagnent de défis majeurs. L’automatisation risque de substituer certains emplois traditionnels, menaçant l’employabilité des jeunes peu qualifiés (Autor, Levy et Murnane, 2003; OCDE, 2023; Kearns, 2023). En outre, l’accès limité à la formation en compétences numériques constitue un frein majeur à l’intégration des jeunes dans ces nouvelles dynamiques du marché du travail (Schoeman et al., 2021; Vincent-Lancrin et van der Vlies, 2020).

Enfin, les infrastructures technologiques insuffisantes en Afrique entravent le développement du marché du travail numérique. L’absence d’un accès équitable aux ressources numériques limite la capacité des jeunes à tirer profit des opportunités offertes par l’IA (World Bank, 2023; Garcia & Kelly, 2015). Il est essentiel d’investir dans la formation aux compétences numériques et de développer des politiques publiques favorisant l’accès aux nouvelles technologies (Hwang et al., 2020; Révolution Entrepreneurial, 2023). Enfin, Plusieurs États ont décidé par exemple de privatiser des entreprises nationales de fourniture d’énergie (Christopher et al., 2019). Or il s’agit là, d’une erreur stratégique importante, puisque l’État même en cédant ce secteur à des entreprises privées, n’est pas exonéré de l’obligation de financer la mise en place d’infrastructures. La fourniture d’énergie étant le premier pilier du développement d’intelligence artificielle générative.

  1. L’IA et l’employabilité des jeunes en Afrique

L’IA peut jouer un rôle clé dans l’amélioration de l’employabilité des jeunes en Afrique en renforçant la formation et l’adéquation des compétences aux besoins du marché du travail. L’introduction de l’IA dans l’éducation et la formation professionnelle permet d’adapter l’apprentissage aux besoins des industries émergentes (Vincent-Lancrin et van der Vlies, 2020; Francesc et al., 2019). Les plateformes numériques et les formations à distance utilisant l’IA permettent aux jeunes d’acquérir des compétences recherchées sur le marché du travail, y compris dans les domaines du codage, de la cybersécurité et de l’analyse des données (Hwang et al., 2020; Seo et al., 2021).

Cependant, ces avancées risquent d’accentuer les inégalités entre les jeunes ayant accès à ces formations et ceux qui en sont exclus faute d’infrastructures adéquates ou de moyens financiers suffisants (Francesc et al., 2019; World Bank, 2023). Des politiques d’inclusion numérique adaptées aux spécificités africaines sont donc essentielles pour garantir que les bénéfices de l’IA profitent au plus grand nombre (Révolution Entrepreneurial, 2023).

3. L’impact de l’IA sur le marché du travail en Afrique francophone

Les pays d’Afrique francophone, où le secteur informel représente une part significative du marché du travail, sont confrontés à des défis spécifiques liés à l’adoption de l’IA. L’automatisation de certaines tâches dans l’agriculture, l’industrie et les services pourrait entraîner des pertes d’emplois dans des secteurs traditionnellement accessibles aux jeunes (OCDE, 2023 ; Tourpe, 2023). L’analyse des déterminants sociodémographiques du chômage au Sénégal met en lumière des disparités entre les zones rurales et urbaines, illustrant la nécessité d’adapter les politiques d’introduction de l’IA en fonction des contextes locaux (Analyse des déterminants sociodémographiques, 2023).

Toutefois, l’IA pourrait également créer de nouveaux emplois en Afrique francophone, notamment dans les secteurs de l’agriculture intelligente, des services financiers et de l’entrepreneuriat numérique (Horn, 2023 ; Kearns, 2023). Pour maximiser ces opportunités, il est crucial de développer des stratégies de formation ciblées et de renforcer l’accompagnement des jeunes entrepreneurs dans le domaine technologique (Révolution Entrepreneurial, 2023).

Conclusion

L’intelligence artificielle représente une opportunité majeure pour transformer le marché du travail en Afrique et ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes travailleurs. Elle s’accompagne de nombreux défis. Cependant, ceux-ci ne doivent pas freiner les investissements dans le secteur et décourager les initiatives. L’agriculture sur laquelle l’Afrique a longtemps compté pour se développer et produire de la richesse ne transformera pas le continent, et on contribuera à renforcer les écarts de richesses avec les autres parties du monde. Cependant l’Afrique doit accepter de prendre sa place et toute sa place dans le développement des intelligences artificielles génératives. Il faut que ce continent utilise toutes les opportunités qu’offre ce nouvel outil pour améliorer les opportunités qui sont offertes sur son marché du travail, en améliorant la productivité de ses jeunes travailleurs. 

À Propos de l’auteur

Joël Éric Olinga Mebada est un expert en évaluation des politiques publiques et en économie du travail. Il a mené des analyses et évaluations de programmes pour le gouvernement canadien et d’autres organisations gouvernementales en Afrique et différentes ONG. Ses recherches portent sur l’employabilité des jeunes et les politiques d’intervention sur le marché du travail. Il s’intéresse également aux effets du développement des IA sur le marché du travail. Il a publié des articles académiques sur les effets du salaire minimum et les politiques publiques post-COVID-19. Il a également occupé des charges de cours en économie et en méthodologie de la recherche.

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